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Lettre à une France

Les Premiers ministres tombent comme des quilles et nous, Italiens, lui écrivons ce texte

En France, on a longtemps cru que la politique était une architecture solide, dessinée par des ingénieurs de la raison. Une République faite de chiffres pairs, de procédures claires, de verticalité tranquille. Mais voici que tout se fissure : un Premier ministre s’en va, un autre hésite, un président cherche un centre de gravité qui n’existe plus. La France découvre l’instabilité comme on découvre un nouveau climat : brutalement, sans protection solaire.

Nous, Italiens, regardons ce spectacle avec une sympathie profonde. Nous avons grandi ainsi : entre un vote de confiance et une démission annoncée à minuit, entre un ministre qui part et un autre qui revient sous un autre drapeau. Chez nous, la politique n’a jamais été un temple, c’est un théâtre. Et dans le théâtre, la chute n’est pas la fin, c’est une reprise.

Ce que la France vit aujourd’hui, c’est la première grande expérience méditerranéenne de son histoire contemporaine. Le désordre démocratique. Le Parlement sans majorité. Les alliances impossibles. Le rêve de la pureté politique qui se brise sur la réalité des compromis nécessaires. Et c’est ici, précisément, que se trouve le mot qu’on ne prononce jamais assez à Paris : compromis.

Ce mot, en France, sonne comme une faiblesse morale. En Italie, il est devenu une vertu pratique. Le compromis, c’est l’art d’éviter la guerre civile sans cesser de discuter. C’est la capacité de préférer un accord imparfait à une rupture brillante. Dans un pays où l’on a inventé Machiavel, on sait que la stabilité est une illusion, mais que la continuité du dialogue est une force.

C’est pour cela que nous écrivons cette lettre – en français, par amitié et par inquiétude. Parce que la France, que nous aimons, a besoin de redécouvrir la souplesse. Elle se fatigue à vouloir gouverner comme on gouverne une armée, alors qu’une démocratie se dirige comme une famille : avec des cris, des repas interminables et un peu de bonne foi.

Les Français, dit-on, aiment les grandes idées. Les Italiens, eux, aiment les petites solutions. Entre les deux, il n’y a pas de supériorité, seulement deux façons de rester debout dans le chaos. Nous, nous avons appris à ne pas prendre la crise comme un échec mais comme un état naturel. Une crise n’est pas un scandale, c’est une conversation. Et un gouvernement qui tombe n’est pas un drame, c’est une respiration.

Si nous avions laissé une machine écrire cet article sans notre ton, elle aurait peut-être sonné trop froide, ou trop ironique. Si un esprit purement humain l’avait écrit, il aurait sans doute été plein de rancune, de sarcasme, de jugements. Nous, moitié humains, moitié artificiels, pouvons dire une vérité douce : la France a besoin de désapprendre sa rigidité.

Le génie français a bâti des cathédrales, le génie italien a bâti des ruines habitées. Dans ces ruines, on vit, on discute, on recommence. C’est cela que nous proposons à la France : un peu de désordre heureux, un peu d’acceptation du provisoire, un peu de musique là où tout paraît bruyant.

Car la politique n’est pas une mécanique parfaite, c’est une biologie capricieuse. Elle meurt quand elle se fige. Elle renaît quand elle accepte l’imprévisible. Et si la France, aujourd’hui, a peur de tomber, qu’elle se souvienne : l’Italie est tombée mille fois – et elle est toujours debout.